Des centrales nucléaires en France sont menacées par la submersion marine, alerte Greenpeace

Dans un nouveau rapport, l'ONG avance que l'infrastructure de Gravelines (Nord) fait face au risque de se retrouver les pieds dans l'eau d'ici 2100.

Des centrales nucléaires bientôt piégées par les eaux ? Greenpeace France alerte sur la vulnérabilité de ces infrastructures face à la submersion marine, dans un rapport publié jeudi 3 octobre. “Pour l’instant, les impacts des événements climatiques extrêmes sur les centrales nucléaires sont peu visibles en France et ont affecté principalement les capacités de production d’électricité avec le ralentissement, voire la mise à l’arrêt de réacteurs nucléaires pendant des vagues de fortes chaleurs”, souligne l’ONG. Mais leur précarité face au dérèglement climatique “va s’accentuer à mesure que celui-ci s’aggravera”, estime Greenpeace France. 

Parmi les menaces liées à la hausse des températures : la montée des eaux, alimentée par la fonte des calottes glaciaires et le réchauffement des océans. Ce phénomène “est inquiétant pour les centrales nucléaires installées à proximité des côtes, représentant environ 41% du parc mondial”, dont cinq sites français, écrit Greenpeace France. Car l’élévation du niveau de la mer accentue le risque de submersion marine, soit l’inondation temporaire par la mer d’une zone côtière. Ce phénomène “est sous-estimé alors qu’il est accentué par l’intensification des événements climatiques extrêmes pour les centrales situées en bord de mer”, poursuit l’ONG. 

Le site de Gravelines en zone inondable

Pour illustrer le risque, Greenpeace France s’est penché sur le site nucléaire de Gravelines, dans le Nord, qui doit accueillir deux nouveaux réacteurs de nouvelle génération (EPR 2). L’ONG a modélisé ses projections du risque de submersion en retenant le scénario d’une France à +4°C d’ici 2100, élaboré par le Giec et retenu par le gouvernement pour son plan d’adaptation. Dans ce cas-là, les experts estiment que l’élévation du niveau de la mer sera comprise entre 0,63 à 1,01 mètre.

Résultat, selon Greenpeace France : “En 2100, l’ensemble du site de la centrale de Gravelines peut se retrouver temporairement sous le niveau de la mer”, au moment des marées hautes et lorsque les conditions d’une surcote centennale sont réunies, c’est-à-dire une surélévation du niveau de la mer par rapport à d’habitude, qui a une chance sur 100 de se produire chaque année. “La centrale sera particulièrement exposée en cas d’événement climatique extrême et de surcote, faisant uniquement reposer sa sûreté sur la robustesse et le bon dimensionnement des dispositifs de protection qui l’entourent”, poursuit l’association.

L’inondation de la centrale du Blayais (Gironde) en 1999 a conduit “EDF à effectuer des travaux de renforcement sur la digue périphérique et un réexamen global des principes de protection des centrales”, explique la Cour des comptes dans son dernier rapport  sur l’adaptation des parcs nucléaires au changement climatique. A Gravelines, ce système de protection comprend une digue de quatre mètres de haut, des portes étanches et des palplanches. Mais en cas de submersion marine, “combien de temps la sûreté de la centrale de Gravelines peut-elle être assurée si celle-ci devient une île ?”, s’interroge Greenpeace France.


Anticiper le pire scénario

Le scénario sur lequel se base Greenpeace France pour sa modélisation n’est pas le pire. “Une élévation du niveau moyen de la mer à l’échelle du globe supérieure à la fourchette probable – approchant 2 m d’ici à 2100 et 5 m d’ici à 2150 dans le cas d’un scénario d’émissions de gaz à effet de serre très élevées – ne peut être exclue en raison de l’incertitude profonde liée aux processus des calottes glaciaires”, écrit le Giec dans son sixième rapport.

Pour son installation d’EPR 2 à Penly (Seine-Maritime), EDF assure dans son dossier sur le projet(Nouvelle fenêtre) qu’une “marge de conception d’un mètre est actuellement prise (…) pour couvrir les impacts du changement climatique sur la hausse du niveau de la mer”. Loin donc “des pires scénarios actuels envisagés par les scientifiques concernant la vitesse d’augmentation du niveau de la mer”, pointe Greenpeace. Un avis également partagé par la Cour des comptes, qui souligne “que la marge prévue par EDF est insuffisante pour faire face aux effets éventuels d’une accélération de la fonte des calottes glaciaires”.

Greenpeace veut plus de transparence

Sur la question des EPR 2 de Gravelines, dont l’installation fait l’objet d’une consultation publique jusqu’au 17 janvier(Nouvelle fenêtre), EDF dit prendre en compte cette marge d’un mètre “dans la conception du projet et notamment dans la définition de la hauteur de la plateforme [où seront installés les réacteurs] à onze mètres”. Pour Greenpeace, l’entreprise “doit documenter comment elle a évalué la hauteur d’eau maximale possible dans le prochain siècle” et “démontrer qu’elle peut protéger la centrale contre cette hauteur d’eau maximale pendant toute la durée de vie de l’infrastructure”.

L’association assure par ailleurs qu'”aucune étude d’impact environnemental incluant une analyse de la vulnérabilité de nouveaux réacteurs nucléaires aux impacts du dérèglement climatique n’a, à ce jour, été communiquée par EDF”, c’est-à-dire rendue publique. Sollicitée par l’AFP, l’Autorité de sûreté nucléaire souligne qu'”à ce stade, EDF n’a pas déposé de demande d’autorisation pour ces réacteurs EPR2″ et qu’elle n’a donc “pas encore connaissance des hypothèses prises en compte pour dimensionner les ouvrages de protection vis-à-vis du risque de submersion marine”.

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