Ils dénoncent une pratique de certains développeurs qui consiste à désactiver les serveurs en ligne d’un jeu après un certain nombre d’années, ce qui le rend inaccessible au joueur et donc inutilisable.
“De plus en plus de jeux vidéo sont vendus comme des biens, mais sont conçus pour être totalement injouables dès que le support prend fin”, estime le collectif dans sa pétition, qui interroge la légalité de ce procédé.
“Ce qu’on demande, c’est si, du point de vue du consommateur, c’est normal de nous retirer des jeux”, explique à l’AFP Daniel Ondruska, un joueur slovaque de 37 ans, porte-parole de cette initiative.
Si cette “initiative citoyenne européenne” (ICE) réunit plus d’un million de signatures d’ici le 31 juillet 2025, l’exécutif européen sera obligé y apporter une réponse.
“Demander des comptes”
La pratique n’est pas nouvelle, mais elle concernait principalement jusqu’ici les jeux uniquement jouables en ligne, dont la fermeture des serveurs actait souvent leur disparition, comme ce fut le cas pour les titres “Star Wars Galaxies” (2003-2011) ou “Warhammer Online” (2008-2013).
Mais ce qui a mis le feu aux poudres, c’est l’arrêt par l’éditeur français Ubisoft le 1er avril de “The Crew”, un jeu de course automobile sorti en 2014 et qui comptait près de 12 millions de joueurs deux ans après sa sortie. Il a connu plusieurs suites depuis.
Bien que jouable en ligne, “The Crew” dispose d’une partie “solo” que les joueurs pouvaient parcourir sans avoir besoin d’être connectés.
Depuis la désactivation des serveurs, le jeu ne se lance tout simplement plus.
Pour le collectif “Stop destroying videogames”, la mise au rebut de “The Crew” représente “l’une des meilleures occasions de demander des comptes à un éditeur”.
“On ne demande pas aux éditeurs d’entretenir leurs jeux pour toujours”, affirme Daniel Ondruska, “mais de ne pas les détruire intentionnellement et laisser la possibilité à ceux qui l’ont payé d’y jouer ou de créer ses propres serveurs.”
Mais comme le rappelle Geoffray Brunaux, professeur de droit privé à Reims et spécialiste en droit du numérique, “quand un joueur achète un jeu, il a l’impression qu’il en devient propriétaire, sauf que juridiquement ce n’est pas du tout le cas”.
Lors de l’acquisition, l’acheteur est bien propriétaire du support physique (Blu-ray ou cartouche par exemple), mais en ce qui concerne le contenu, “ça reste une œuvre de l’esprit, qui n’est donc pas soumise à une vente mais à une licence d’utilisation”, affirme l’expert.
Préservation des jeux
De son côté, l’organisation Video Games Europe, qui regroupe des développeurs européens, dont Ubisoft, assure que ce genre de décision “n’est jamais prise à la légère.”
Au-delà du simple coût que ferait peser sur ces éditeurs le maintien de ces serveurs, elle met également en avant la sécurité des utilisateurs.
“Les protections mises en place pour sécuriser les données des joueurs, supprimer les contenus illégaux et lutter contre les contenus dangereux n’existeraient pas si nous étions obligés de faire tourner les jeux sur des serveurs privés”, a-t-elle indiqué à l’AFP.
En France aussi, où la pétition a recueilli plus de 20.000 signatures, des voix commencent à s’élever contre cette pratique.
“Le problème qui se pose aujourd’hui, c’est tout simplement celui de la préservation de notre média”, affirme Axel Nizard, plus connu sous le pseudonyme “Conkerax”, 440.000 abonnés sur YouTube.
Depuis plusieurs mois, un groupe composé de juristes, d’universitaires et de créateurs de contenu s’est constitué autour de ces questions.
“On ne veut pas que tout ce pan de la culture disparaisse”, alerte Axel Nizard. “Alors on va tenter de faire bouger tout ça.”
Contacté par l’AFP, Ubisoft n’a pas souhaité commenter.