
Dans les ruines de Gaza, où la famine rôde dans chaque ruelle, survivre relève désormais de l’acte de bravoure. La majorité des familles palestiniennes ne mangent qu’une seule fois par jour — un repas maigre, sans valeur nutritive, avalé dans le silence et l’angoisse.
Une enquête menée entre le 1er et le 17 juin par le Programme alimentaire mondial (PAM) révèle une réalité implacable : un unique repas de fortune composé de bouillons, de lentilles, de riz, de macaronis ou de conserves de pois et de haricots. « La faim et le désespoir » rythment le quotidien, contraignant les adultes à se priver pour nourrir les enfants, les personnes âgées ou les malades.
Malgré la reprise partielle des distributions d’aide dans l’enclave palestinienne, après plus de deux mois et demi de blocus israélien, la faim continue de gagner du terrain. Près de 9 000 tonnes de farine de blé ont été acheminées à Gaza depuis le 19 mai. Mais ce chiffre est trompeur : la majorité de ces vivres n’atteint jamais sa destination finale.
Des enfants réveillés par la faim
Un tiers des personnes interrogées affirment passer des journées entières sans manger, ou se contenter d’un morceau de pain trempé dans de l’huile d’olive et saupoudré de dukkah, un mélange d’épices. Boire de l’eau pour tromper la faim est devenu une stratégie de survie.
Un parent raconte comment ses enfants se réveillent la nuit, affamés. « Je leur dis de boire de l’eau et de fermer les yeux. Cela me soulage. Je fais la même chose : je bois de l’eau et je prie pour le matin. » Ce témoignage glaçant résume la détresse d’un peuple abandonné à lui-même.
Faute d’alternative, environ 15 % des habitants fouillent les ordures et les décombres à la recherche de nourriture.
Courir vers la mort pour un sac de farine
Alors que les besoins explosent, accéder à l’aide humanitaire devient un pari quotidien avec la mort. Les points de distribution, souvent militarisés, exposent la population à des « menaces de tirs, de bombardements, de bousculades et d’agressions ». Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a recensé plus de 400 morts ces dernières semaines aux abords de ces sites, gérés par la Fondation humanitaire de Gaza, une initiative conjointe des États-Unis et d’Israël qui, depuis le 27 mai, distribue de la nourriture à Gaza sans passer par le système humanitaire onusien.
Parallèlement, la malnutrition infantile progresse à un rythme alarmant. Depuis janvier, en moyenne 112 enfants sont admis chaque jour pour un traitement contre la malnutrition aiguë, selon l’Unicef. Et les prévisions sont inquiétantes : sans intervention immédiate, ces chiffres pourraient continuer d’augmenter.
Des visages décharnés, des esprits brisés
Le bureau onusien des affaires humanitaires évoque une détérioration rapide de la situation. Les enquêteurs parlent de « visages pâles et de joues décharnées ». La souffrance est aussi mentale : certaines personnes interrogées ont évoqué des « pensées suicidaires », causées par la faim et l’absence totale de perspective.
Dans ce contexte, les obstacles logistiques compliquent davantage l’acheminement de l’aide. Entre le 18 et le 24 juin, près d’un tiers des demandes de coordination humanitaire auprès des autorités israéliennes ont été rejetées. Moins de 40 % ont abouti, le reste ayant été annulé pour des raisons de sécurité ou d’impraticabilité.
À Gaza, la faim est une sentence lente, une humiliation quotidienne, une violence silencieuse qui tue sans bruit.