Narendra Modi, qui a été reconduit en juin à la tête de son pays, est arrivé lundi 8 juillet en Russie, où il échangé avec Vladimir Poutine lors d’un tête-à-tête «informel» dans la soirée. Les deux hommes se retrouveront mardi pour des entretiens élargis, avant que le dirigeant indien n’enchaîne avec un déplacement à Vienne.
Ils sont apparus à la télévision russe autour d’une tasse de thé dans la résidence de Vladimir Poutine de Novo-Ogariovo, près de Moscou. Le président a aussi conduit son homologue en voiture électrique dans les jardins et les deux hommes ont assisté à un spectacle équestre, selon les agences de presse russes.
« Vous avez vos propres idées, vous êtes une personne très énergique, vous savez comment obtenir des résultats dans l’intérêt de l’Inde et du peuple indien », a déclaré le dirigeant russe.
Narendra Modi a quant à lui remercié sur X Vladimir Poutine pour cet accueil et indiqué « attendre avec impatience les entretiens de demain, qui contribueront certainement à renforcer les liens d’amitié entre l’Inde et la Russie ».
La Russie est un fournisseur clé d’armes et de pétrole bon marché à l’Inde, même si sa confrontation avec les Occidentaux et son rapprochement avec la Chine, dans le contexte du conflit en Ukraine, ont eu un impact sur ses relations avec New Delhi.
Le dirigeant indien évoquera avec le président russe le « développement des relations russo-indiennes traditionnellement amicales, ainsi que l’agenda international », selon le Kremlin.
Les États-Unis et leurs alliés occidentaux ont cultivé ces dernières années leurs liens avec l’Inde, pour contrer l’influence grandissante de la Chine dans la région Asie-Pacifique, tout en faisant pression sur elle pour qu’elle s’éloigne de Moscou.
New Delhi a refusé toutefois de prendre clairement parti en ne condamnant pas explicitement l’attaque russe contre l’Ukraine et en s’abstenant de voter les résolutions de l’ONU contre Moscou.
Partisane d’un monde multipolaire, l’Inde continue parallèlement à développer ses relations dans le domaine de la sécurité avec les États-Unis, rival honni de la Russie qui se pose, elle, en championne de la multipolarité – avec comme objectif premier l’affaiblissement de l’Occident sur la scène mondiale.
Le conflit en Ukraine a toutefois « transformé » ses relations avec Moscou, explique l’experte Swasti Rao, du groupe de réflexion Manohar Parrikar Institute for Defence Studies and Analyses, notant que de nouveaux « défis » sont apparus.
Plus de pétrole, moins d’armes
La précédente visite en Russie de Narendra Modi, qui a obtenu en juin un troisième mandat à la tête du pays le plus peuplé du monde, remonte à 2019. Deux ans plus tard, fin 2021, il avait accueilli Vladimir Poutine à New Delhi.
Les deux dirigeants se sont rencontrés officiellement pour la dernière fois en septembre 2022, en Ouzbékistan, lors d’un sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai.
Moscou et New Delhi ont une relation étroite depuis la Guerre froide. Longtemps, la Russie fut le principal fournisseur d’armes de l’Inde, mais la part des importations d’armement russes a fortement chuté ces dernières années.
L’intensité du conflit contre l’Ukraine a accaparé et fait fondre les stocks d’armements russes, poussant son partenaire indien à chercher d’autres fournisseurs et à développer sa propre industrie militaire. Elle a ainsi par exemple commandé des avions Rafale français pour son armée de l’air.
Dans le même temps, dans la foulée de l’attaque russe de février 2022, l’Inde a acheté d’importantes quantités de pétrole russe vendu au rabais et redirigé, du fait des sanctions occidentales, vers le marché indien par Moscou.
New Delhi réalise ainsi des économies tout en alimentant l’économie et la machine de guerre du Kremlin, ce qui lui a valu des critiques de gouvernements occidentaux.
« Trop tard »
De possibles sujets de tension existent néanmoins.
L’Inde voit notamment d’un mauvais œil le fort rapprochement en cours entre son grand rival chinois et Moscou, craignant de se retrouver surplombée par un énorme ensemble géographique russo-chinois emmené par Pékin.
« Certains pensent que l’Inde doit se rapprocher fortement de la Russie pour éviter qu’elle ne tombe dans le giron chinois », indique l’analyste Swasti Rao. « D’autres pensent que c’est trop tard. »
L’attaque russe contre l’Ukraine a aussi eu un coût humain pour l’Inde. En février, New Delhi a affirmé pousser le Kremlin à lui renvoyer des citoyens indiens s’étant retrouvés à combattre sur le front.
Après Moscou, Narendra Modi doit se rendre à Vienne, pour la première visite d’un dirigeant indien dans la capitale autrichienne depuis 1983.