Législatives en France: les «petits partis» en mission pour défendre le pluralisme

À moins d'une semaine du premier tour des législatives anticipées en France, les « petits partis » tentent encore tant bien que mal de faire leur place dans une campagne électorale.

À moins d’une semaine du premier tour des législatives anticipées en France, les « petits partis » tentent encore tant bien que mal de faire leur place dans une campagne électorale éclair largement dominée par les trois blocs de gauche, du centre et d’extrême droite.

Dimanche matin, au marché de Bastille. C’est jour de tractage pour les candidats à la 7ᵉ circonscription de Paris. Il y a là Emmanuel Grégoire, premier adjoint d’Anne Hidalgo et candidat pour le Nouveau Front populaire, Clément Beaune, ancien ministre d’Emmanuel Macron, Aurélien Véron pour Les Républicains « non ciottistes ». Et Philippe Mazuel, de Pace (prononcer « Patché »), le Parti des citoyens européens.

Un paquet de tracts à la main, ce professeur en management aborde les passants pour établir le dialogue. « Je préfère le qualitatif au quantitatif », confie-t-il dans un sourire. Dans cet arrondissement qui a placé Raphaël Glucksmann en tête aux Européennes, beaucoup rechignent à voter Nouveau Front populaire, en raison de la présence de La France insoumise au sein de l’alliance de gauche. Alors Philippe Mazuel peaufine son approche en insistant sur son positionnement de centre gauche et son indépendance. « C’est important d’avoir des petits partis. Ils apportent de la diversité, ils enrichissent le débat », salue une quinqua entre deux étals. De là à voter pour eux. 

À 68 ans, le coprésident de Pace en est à sa sixième campagne électorale. Lors des dernières européennes, sa formation a récolté 0,03 % des voix. Il en est sorti « sur les rotules », tant sur le plan physique que financier. L’annonce de la dissolution le soir du 9 juin et la tenue d’élections législatives trois semaines plus tard a donc fait l’effet d’un coup de massue. Pour un parti qui ne compte qu’une centaine d’adhérents, difficile de se renflouer en si peu de temps. Il a fallu se résigner : le parti ne présenterait que deux candidats, au lieu des huit prévus. « Une campagne comme celle-ci, c’est 5 500 euros par circonscription. Et on n’est remboursé que si l’on fait 5 %, ce qui n’est pas du tout acquis », remarque Philippe Mazuel, qui a dû y aller de sa poche pour pouvoir la financer.

Un risque d’invisibilisation

Ouvrir un compte de campagne, avoir sa page Wikipédia. À entendre ce saint-cyrien, faire vivre un parti comme le sien est un combat permanent. Sans parler du système électoral en lui-même qui favoriserait les grosses écuries. « Les bulletins, l’affichage. Tout ça, ce sont des obstacles à la démocratie », dénonce-t-il. Et de citer en exemple d’autres modèles européens : « Aux Pays-Bas, ce sont les municipalités qui prennent en charge l’affichage. En Allemagne, il y a un bulletin de vote unique qu’on coche. »

Pas de quoi cependant le décourager. « J’estime que l’une des plus grandes qualités, c’est la persévérance », assène-t-il. Surtout, le coprésident de Pace tient à sa différence. Hors de question, donc, de s’allier à un grand parti. « On serait complètement invisibilisés. Or, on cherche à ouvrir les gens à d’autres idées. Comme on a peu de moyens et qu’on travaille, ça prend du temps. Mais petit à petit, l’oiseau fait son nid. »

De l’autre côté de la Seine, le tout jeune parti Équinoxe compte aussi se faire une place dans cette campagne tripolarisée. Un petit groupe de ses militants s’est donné rendez-vous dans un square du XVe arrondissement pour une distribution de tracts. La stratégie est simple, du moins en apparence : éveiller l’intérêt des promeneurs en une seule phrase. « On leur dit qu’on est un parti de jeunes, écolo, ni de droite ni de gauche et pro-nucléaire », résume Ingrid Allorant, 27 ans, professeure d’histoire-géo et candidate dans la 13ᵉ circonscription. Mais pas facile de se faire connaître en si peu de temps. « C’est une première amorce, rassure Briac Favé, étudiant ingénieur et responsable com’ du parti. On mise sur la répétition. L’objectif est de se démultiplier sur le terrain et les réseaux sociaux. »

La méthode semble avoir fait ses preuves. En seulement six mois, la formation dit être passée de 400 à 4 700 adhérents. Aux Européennes, elle a obtenu 0,29 % des voix. Deux semaines plus tard, elle entend bien transformer l’essai. Quarante-et-un candidats ont été investis. Pour beaucoup, c’est une première. « Pour ça, c’est une bonne chose que cette campagne soit aussi courte. Cela permet d’avoir un aperçu. On se dit que si ça se passe mal, on pourra vite passer à autre chose », se tranquillise Ingrid Allorant, qui dit pouvoir s’appuyer sur une équipe soudée.  

« Discrimination par l’argent »

Si comme Pace et Équinoxe, d’autres « petits partis » se sont lancés pour les législatives, beaucoup ont préféré renoncer. C’est le cas du Parti pirate, des Patriotes de Florian Philippot… Ou encore du Parti animaliste. En huit années d’existence, le mouvement défenseur de la cause animale n’avait pas manqué un seul rendez-vous électoral. « Un crève-cœur », lâche, amère, Hélène Thouy, sa coprésidente. 

Le soir de la dissolution, ils étaient pourtant nombreux au sein du parti à vouloir repartir, malgré des délais très courts et une campagne épuisante menée en parallèle de leur activité professionnelle. Mais impossible financièrement. Aux européennes, la formation a récolté 2 % des suffrages. Pas assez pour être remboursée de ses frais de campagne – 1,3 million d’euros dont l’essentiel a servi à imprimer et distribuer les bulletins de vote et professions de foi. « C’est scandaleux de devoir payer des frais aussi importants juste pour avoir des bulletins de vote », s’emporte Hélène Thouy qui dénonce, elle aussi, une « discrimination par l’argent ».

Or les élections législatives jouent précisément un rôle majeur dans le financement des partis. Ceux-ci peuvent en effet prétendre à un financement public s’ils remportent au moins 1 % des voix dans 50 circonscriptions. Le résultat du Parti animaliste aux législatives de 2022 lui avait ainsi permis d’obtenir 90 000 euros annuels pendant cinq ans. La dissolution de l’Assemblée décidée par Emmanuel Macron sonne donc pour Hélène Thouy comme une double peine : « Non seulement on perd notre financement, mais en plus, on ne peut pas se représenter. »

Mais le plus grave à ses yeux est la conséquence de ce retrait. « Dans ces législatives, les thèmes que l’on défend sont totalement absents alors qu’ils sont majeurs. Une campagne aussi courte ne fait que renforcer les divisions d’une société déjà extrêmement fracturée. Ça ne laisse aucune place au débat, au pluralisme et ça nuit à la démocratie. »

Source- RFI