Mandats locaux, nationaux et européens : quelles conséquences pour les élus du RN condamnés à des peines d’inéligibilité ?

Six cadres du Rassemblement national titulaires d’un ou plusieurs mandats électifs ont été condamnés à des peines d’inéligibilité par le tribunal de Paris, lundi 31 mars. Une décision qui touche aussi leurs fonctions actuelles.

Elle se disait sereine et pourtant Marine Le Pen a quitté le tribunal de Paris avant même la fin de l’audience. La patronne du RN le sait : sa candidature à l’élection présidentielle de 2027, pour laquelle elle est actuellement en tête des sondages, est sérieusement compromise. Ce lundi 31 mars, la présidente du groupe Rassemblement national à l’Assemblée a été condamnée à quatre ans d’emprisonnement dont deux ferme aménagés sous bracelet électronique, et cinq ans d’inéligibilité avec exécution immédiate. Quelques minutes après le jugement, elle a annoncé interjeter appel. Mais sauf décision contraire lors d’un nouveau procès organisé avant l’échéance présidentielle, Marine Le Pen ne pourra pas se présenter devant les Français dans deux ans.

Marine Le Pen conserve son siège de députée

La décision du tribunal de Paris ne met pas en danger le statut de députée de Marine Le Pen. Du moins pour l’instant. En effet, bien que l’article LO136 du Code électoral prévoie une déchéance «de plein droit» du siège de député d’une personne frappée d’inéligibilité, c’est au Conseil Constitutionnel que revient la responsabilité de l’acter. Or, depuis une jurisprudence de 2009, celui-ci refuse systématiquement de constater la déchéance tant que les voies de recours ne sont pas épuisées. Il faudrait donc que le jugement soit confirmé en appel, puis éventuellement par la Cour de cassation, pour que son siège soit finalement déclaré vacant.

En revanche, Marine Le Pen ne pourra pas être à nouveau élue députée dans les cinq prochaines années. Sauf revirement de la Cour d’appel, elle ne pourrait pas se présenter, par exemple, à la députation en cas de dissolution – légalement possible à partir du 7 juillet prochain.

… mais pourrait perdre son poste de conseillère départementale

La fille de Jean-Marie Le Pen pourrait également devoir quitter son poste de conseillère départementale du Pas-de-Calais, qu’elle occupe depuis le 1er juillet 2021. L’article L205 du Code électoral dispose en effet : «Tout conseiller départemental qui, pour une cause survenue postérieurement à son élection, se trouve dans un des cas d’inéligibilité […], est déclaré démissionnaire par le représentant de l’État dans le département». 

Le même texte prévoit toutefois la possibilité pour la chef de file du Rassemblement National de formuler une «réclamation» dans les dix jours au tribunal administratif. Dans cette hypothèse, Marine Le Pen conserverait son mandat jusqu’à ce qu’il ait été «définitivement statué sur la réclamation», selon l’article L223 du Code électoral.

Louis Aliot, empêché pour les municipales de 2026

Le maire RN de Perpignan et ancien eurodéputé Louis Aliot pourra, lui, conserver son fauteuil de maire. Bien qu’il ait été condamné à dix-huit mois d’emprisonnement dont six mois ferme sous bracelet électronique, et trois ans d’inéligibilité, la présidente du tribunal a déclaré souhaiter «préserver la liberté des électeurs qui ont choisi leur maire». L’exécution provisoire n’a donc pas été retenue le concernant.

En l’absence d’appel de la décision, cette condamnation l’empêchera toutefois d’être candidat à sa propre succession à la mairie de Perpignan, où il a été élu maire en 2020, après six ans au conseil municipal.

Nicolas Bay, Julien Odoul et Timothée Houssin déchus de leurs mandats de conseillers régionaux ?

Nicolas Bay, condamné à 12 mois d’emprisonnement, dont six ferme aménagés sous bracelet électronique, a écopé de trois ans d’inéligibilité avec exécution provisoire. Une condamnation qui pourrait lui coûter le poste de conseiller régional de Normandie qu’il occupe depuis 2016. L’article L341 du Code électoral prévoit en effet que «tout conseiller régional qui, pour une cause survenue postérieurement à son élection, se trouve dans un cas d’inéligibilité […] est déclaré démissionnaire d’office par arrêté du représentant de l’État dans la région». Comme Marine Le Pen, l’éphémère vice-président du parti lepéniste (2017-2018) pourra toutefois formuler un recours dans les dix jours auprès du Conseil d’État.

Julien Odoul, député RN de l’Yonne et conseiller régional de Bourgogne-Franche-Comté, et Timothée Houssin, député RN de l’Eure depuis 2022 et conseiller régional de Normandie depuis 2016, ont de leur côté été respectivement condamnés à huit et six mois d’emprisonnement avec sursis, ainsi qu’à un an d’inéligibilité. Leurs peines ne sont néanmoins pas assorties d’exécution provisoire. S’ils décident d’interjeter appel, leurs mandats ne seront donc pas remis en cause en attendant un nouveau procès. Dans le cas contraire, ils seront déclarés démissionnaires, sauf recours auprès du Conseil d’État.

Nicolas Bay et Catherine Griset sur la sellette au Parlement européen ?

Nicolas Bay, qui a également une casquette d’eurodéputé depuis 2014, pourrait, dans le pire des scénarios, aussi perdre son siège au parlement européen. L’article 5-2 de la loi n 77-729 du 7 juillet 1977 prévoit en effet que «L’inéligibilité met fin au mandat du représentant lorsqu’elle survient en cours de mandat. La constatation en est effectuée par décret». Une disposition qui concernerait également Catherine Griset, députée européenne depuis 2019. Ce lundi 31 mars, elle a été condamnée à 12 mois d’emprisonnement avec sursis et deux ans d’inéligibilité avec exécution provisoire.

Leur éviction n’est toutefois pas certaine. Dans une décision rendue vendredi 28 mars, le Conseil Constitutionnel a justifié le maintien des députés nationaux frappés d’inéligibilité pendant l’exercice de leur mandat par leur participation à «l’exercice de la souveraineté nationale». Il apparaît donc possible qu’une logique analogue soit suivie concernant les mandants européens.

Source: LeFigaro.fr

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